Vélo connecté, valeur ajoutée ?

« Mais c’est quoi un vélo connecté en fait ? » me demandait l’autre jour mon pote Barth, toujours à l’affût. Je répondais tranquillement : « Et bien, euh, bah tu prends un vélo, souvent électrique parce que c’est plus facile et que t’as plus de données à récupérer, et bah tu le connectes quoi. Au réseau, à ton backend, ou à ton smartphone, via une app. Et après t’as plein d’échange d’info entre les différentes entités. » « Ok Charles, je suis pas sûr de bien comprendre le bail. » me dit-il avec son franc parler habituel. Je grommelle. Me voilà bon pour faire un article.

Après 1 an de développement du vélo électrique avec Indigo Weel (j’y travaillais jusqu’en décembre dernier), j’ai voulu résumer dans les grandes lignes ce qu’est un vélo connecté.

 On connait les montres connectées, les lunettes, les lampes, les caméras, les enceintes, les volets, les frigos, les voitures, les trottinettes, les caddys, les machines à café, les…j’en passe. Ca devient naturel de lire le mot connecté à côté de 1001 produits qui ne l’étaient pas avant. Et voilà que le vélo s’y met.

Que veut donc dire le terme “connecté” ? Pourquoi connecte-t-on les vélos ?

Je ne parlerai ici que du vélo électrique, car c’est le vélo qui se connecte le plus de nos jours. Mais certaines parties concernent également les vélos dit maintenant « musculaire » (sans assistance électrique). N’hésitez pas à me poser des questions en commentaire !

Quand les vélos se mettent à parler…

Connecter un véhicule, de manière courante aujourd’hui, c’est le faire discuter. Discuter avec une entité autre que lui-même. Discuter avec un smartphone par exemple. Je peux imaginer connecter mon smartphone au vélo, très souvent via bluetooth, puis décider d’allumer ou éteindre les lumières avant, arrière, choisir la puissance de l’assistance électrique via l’application du smartphone. Mais ça va plus loin. En connectant le vélo au réseau mobile on peut activer des fonctionnalités à distance : déclencher une alarme en cas de mouvements intempestifs, bloquer/débloquer un cadenas, recevoir des données sur l’état du vélos (immobile ou en déplacement…), sur sa position géographique. Je listerai les fonctionnalités dans la partie suivante.

Ce n’est pas nouveau, mais ça prend de l’ampleur. Ce n’est plus réservé à un public de “early adopters”, ces personnes qui aiment expérimenter de nouveaux produits avant les autres. Les nouveaux vélos, et surtout les électriques, se connectent massivement aux réseaux, comme des abeilles rejoignant la ruche et se glissant dans leurs alvéoles après une longue errance au milieu de ces fleurs de cerisiers, promesse d’un beau printemps, et d’un été plus beau encore…hop là! Rien à voir mais j’avais envie de quelques métaphores naturelles.

ne pas reproduire à la maison
Ce vélo butinait tranquillement de la data quand soudain

…Ils peuvent dire des choses fort intéressantes

Quand les vélos nous parlent
Quand les vélos nous parlent

Voila une liste non exhaustive des fonctionnalités que peut proposer un vélo connecté à un smartphone par exemple : allumer/éteindre les lumières, choix du niveau d’assistance électrique, activation de la batterie pour lancer l’assistance, géolocalisation, blocage du moteur si le vélo n’est pas activé ou s’il est volé par exemple, état du système (signalisation de problèmes sur les composants électroniques, sur le moteur), mise à jour de l’intelligence du vélo (du contrôleur, ou boitier connecté). Les données ne sont pas si nombreuses car un vélo électrique reste assez simple en comparaison avec une voiture. C’est ce qui fait sa force.

Il est difficile de combiner tout cela sans augmenter le prix du vélo. Si le matériel électronique n’est pas très cher, il faut développer les applications mobiles, le système informatique, le maintenir etc. Donc l’alternative à un vélo connecté c’est un vélo déconnecté (wow!) qui utilise un écran et des boutons d’actions directement sur le guidon. C’est la grande majorité des vélos électriques vendus aujourd’hui. On parlerait presque de low tech mais bon, un vrai vélo low tech, c’est un vélo sans tech justement (hello fixie!).

tranquille
Dites moi mon brave, il se connecte ce vélo ou c’est pas l’idée ?

Mais on connait l’appétence du public pour les innovations et les nouvelles technologies. La vague des objets connectés ne fait que commencer.

Je distinguerai dans mon analyse 2 approches : celle d’un vélo pour les particuliers, et celle d’une flotte de vélo gérée en B2B.

Pour les particuliers, quels avantages à posséder un vélo connecté ?

Je dirai que c’est encore aujourd’hui intéressant plutôt pour les fans de techno. Je privilégierai personnellement un vélo électrique simple, sans électronique superflue, à une exception près que je détaillerai.

Mais certains me diront : “Rabat-joie, pourquoi ce choix d’austérité électronique ?”

Loin de moi l’idée de vouloir rabattre la joie de certains. Je n’en aurai simplement pas l’utilité. Je peux changer mes vitesses manuellement sur mon boitier. Il calcule également les km parcourus, affiche ma vitesse en temps réel (qui est limitée à 25km/h donc pas passionnante) et je peux me rendre tout seul chez mon vélociste pour la maintenance, voire j’appelle Ridy ou Cyclofix directement en cas d’imprévu. Mes lumières s’allument automatiquement lorsque je roule. Je recharge ma batterie à la maison, sa durée de vie est grosso modo de 800 cycles, elle est garantie 2 ans. Pour les antivols, un lourd Kryptonite combiné à une lecture de mon article ici suffirait pour me sentir serein. Je chercherai aussi à être assuré par mon assurance habitation. Mon smartphone, lui, me permet déjà de faire des trajets optimisés avec Géovélo.

Bref, je ne ressens pas le besoin de me connecter pour révolutionner mon expérience car je suis responsable de mon vélo et je me sens en mesure de faire ces démarches moi-même.

Moustache à l'ancienne
Moustache à l’ancienne, puissance au guidon, déconnecté, enfin façon de parler

Mais mais mais…quand même il fallait que je vous dise

Il y a quelques trucs pas mal qui se font. Premièrement la géolocalisation. J’ai écrit un article sur les trackers GPS vélo en 2017 qui attire depuis 2 ans des milliers de lecteurs, preuve que ce sujet titille pas mal les cyclistes dans leurs têtêtes. A l’époque le marché n’était pas prêt. Aujourd’hui il a changé, les technologies deviennent de plus en plus intégrées et de moins en moins chères. Velco a sorti son guidon Winkbar. Van Moof et son équipe retrouvent des vélos volés. Qui sait, la police pourrait se décider elle-aussi à intervenir sur la base d’informations GPS un de ces jours (car pour le moment ce ne semble pas trop être le cas, n’hésitez pas à commenter si ça l’est, ça m’intéresse!). Avoir un système qui me permette de géolocaliser mon vélo et qui m’alerte s’il se met subitement à danser la samba (alors qu’il ne sait pas danser la samba) oui, ça m’intéresse ! Avec une garantie de remplacement, je serais content de payer l’assurance.

Les bons vélos électriques coûtent généralement au moins 1500€, et montent rapidement dans les 2500-3500€. Les compagnies d’assurances ont déjà développé des produits spécifiques pour les vélos électriques et il y a fort à parier qu’ils exigent bientôt l’installation de mécanismes de traçage sur les vélos en s’associant à des acteurs de la géolocalisation.

Mais aussi, ce vélo connecté électrique peut tout simplement refuser de démarrer sans reconnaissance via app, empreinte digitale ou autre. Et ça, je me dis que c’est pas mal. C’est plus compliqué d’obtenir ce résultat pour les vélos classiques (pas de batterie), raison pour laquelle je me focalise sur les VAE (Vélo à Assistance Electrique).

Van Moof, Cowboy, Angell, Véligo : des petits nouveaux bien connectés

Depuis quelques années, des nouvelles marques se lancent sur le marché et conçoivent des vélos électriques et connectés en sortant des sentiers battus. Révolutionner l’expérience du cycliste urbain, c’est leur ambition. Le design est primordial, Tesla est dans toutes les têtes. La connectivité via une application smartphone permet d’allier un design épuré avec très peu de commandes externes, des changements de vitesse automatiques, des antivols intégrés et contrôlés à distance, des clignotants…On pensait avoir un vélo dans la tête, mais c’est lui qui s’est doté d’un cerveau ! Mordiou ! La machine qui pense, j’en ai des frissons.

Les promesses sont belles pour nous autres, citadins. Van Moof a par exemple lancé une assurance contre le vol, 290€ pour 3 ans, ce n’est pas trop cher pour des vélos qui valent 2000+€ ! La promesse de remplacer un vélo volé par un temporaire, en attendant que l’ancien soit retrouvé grâce à ses différentes techno de géolocalisation. Et ça marche en plus.

Who got the fattest tyres ?
Un air de famille

Technologie et design donc pour des vélos aujourd’hui plus confidentiels dans les villes que le classique Motobécane ou le traditionnel Décathlon, mais pour combien de temps ? La crise covid19 aidant, VanMoof a enregistré +48% de vente en février par rapport à l’année dernière, et une fréquentation sur son site de +80% en février-mars…lire ici. Le lancement d’Angell est également un marqueur fort de cette tendance.

J’ai habilement glissé le Veligo dans ce chapitre. Développé par le consortium Fluow (La poste, Transdev, Cyclez) ce n’est pas une marque de vélo à proprement parler (location moyenne durée, financée à moitié par l’utilisateur et à moitié par la région) mais sa renommée est déjà grande en Ile-de-France !

Le veligo
Le veligo : électrique et connecté

Velco, au coeur du connecteur

Velco c’est la boite qui avait fait parler d’elle pour le Winkbar, le guidon connecté. 3 ans ont passé et ils ont développé une expertise dans la connectivité des flottes de vélo et de 2 roues urbains en général en travaillant avec par exemple MFC (Manufacture Francaise du Cycle). Cette expertise les place en très bonne position pour mener la danse de la connectivité, de manière souvent invisible pour les utilisateurs finaux qui ne voient pas la technologie interne.

VELCO connecteur
Le connecteur VELCO – petit boitier qui se connecte au grand réseau

Une connectivité aujourd’hui incontournable pour les flottes de vélo

Le free-floating est né uniquement grâce à la connectivité des vélos. Cela s’est fait au travers des cadenas “fer à cheval” ou “frame lock” et c’est l’exemple le plus frappant de la puissance de cette connectivité. Absolument nécessaire, oui, car comment connaitre la localisation de ses véhicules et comment la montrer à ses utilisateurs dans l’application mobile sans connecter le vélo à ses serveurs, à son application mobile ? Comment ouvrir le cadenas automatiquement ?

Cadenas connecté
Cadenas connecté Trelock sur le même modèle que tous ceux qui équipent les vélos en free-floating

On peut dire que ces technologies n’était pas nouvelles, déjà utilisées par des entreprises de gestion de flotte d’entreprise. Mais elle est devenue visible et incontournable aujourd’hui. Je me souviens encore de Donkey Republic et son cadenas connecté pour que chacun puisse louer son vélo à des utilisateurs de passage. En peer-to-peer quoi. Ca m’avait bluffé à l’époque ! Cette époque c’était 2012. La techno était là, le business model…pas encore (un business model toujours instable aujourd’hui)

Les enjeux De la connectivité pour gérer Des flottes de vélo

Je me base principalement sur mon expérience dans le free-floating pour cette liste de fonctionnalités mais cela va plus loin :

  • Connaitre l’emplacement de ses vélos à chaque instant
  • Connaitre leur état : immobile ou en mouvement
  • Le niveau de batterie : quel vélo recharger en priorité ? Et générer automatiquement des circuits pour les équipes de maintenance
  • Analyser les trajets des utilisateurs, les zones de location/parking pour placer son vélo au bon endroit au bon moment (clef chez les opérateurs de free-floating), ou pour travailler avec les villes et améliorer leur compréhension des flux de déplacement
  • Repérer des vélos volés
  • Bloquer le parking dans certaines zones (en empêchant la fin de location d’un vélo par exemple)
  • Maintenance prédictive : particulièrement pour les grandes flottes de vélos partagés qui connaissent des dégradations identifiées et répétitives.
  • Activer/désactiver le vélo à distance (via smartphone pour l’utilisateur ou par “backend” par l’entreprise)
  • Mettre à jour le logiciel interne des vélos à distance : par exemple le contrôleur, qui décide de la puissance à envoyer de la batterie vers le moteur, peut connaitre quelques bugs et l’on peut corriger ces bugs en envoyant une mise à jour
  • Décider de la puissance à donner au vélo électrique pour différentes situations : il pleut ? l’assistance électrique peut être abaissée à 20km/h. Voire, comme pour les trottinettes, limiter l’assistance en la couplant avec des données de géolocalisation.  Zone piétonne ? assistance baissée à 15km/h

conclusion

Est-ce que on pourrait pas dire que
On dirait une oeuvre d’art plastique d’un élève de 5e. On devrait m’interdire de publier ça ici.

En conclusion, l’année 2020 sera connectée, ou ne le sera pas, ou peut-être qu’elle sera les 2 à la fois. WoW ! Encore un éclair de génie !

Plus sérieusement, on peut dire 2 choses : pour un particulier qui s’achète un vélo électrique, ça commence à être intéressant cette histoire de connectivité, mais c’est pas non plus la panacée. Par contre, pour des gestionnaires de flotte, là on parle! Pour eux, c’est un facteur clef d’optimisation de leurs processus. L’efficacité dans la connectivité. Il ne reste plus qu’à maitriser toutes ces informations, sinon c’est de la data sans âme.

Merci de m’avoir suivi jusqu’à là, ça me touche.

Sachez que je ne compte pas m’arrêter là et qu’un autre article sera écrit ! Au moins aussi instructif et spirituel !

A bientôt, donc.